Simonetta Vespucci (*)
Dès que l’on pénétrerait dans le logement, la première impression qui se dégagerait, c’est une odeur, un parfum pour certains, la fragrance typique de l’atelier d’un peintre. Un mélange subtil d’huile de térébenthine et de pigments fraîchement déposés sur la toile.
Puis, après avoir poussé la porte, dont l’ouverture serait partiellement entravée par nombre de toiles entreposées derrière elle, à même le sol, ce serait la lumière de l’immense verrière qui nous envelopperait, nous aveuglerait, nous obligeant à patienter quelques instants avant de pouvoir distinguer les contours et les recoins de la pièce.
On pourrait alors voir, outre les tableaux aux formats les plus divers, un nombre incroyable de livres posés par terre, du livre de poche écorné à l’édition de luxe tachée, en passant par la collection complète des éditions Taschen : il ne manquerait aucun peintre célèbre ou barbouilleur anonyme ayant commis une croûte.
La fine poussière en suspension, magnifiée par les rayons du soleil d’un matin d’automne, viendrait délicatement se déposer sur ces nombreux ouvrages.
L’œil s’étant habitué à la lumière ambiante, on s’avancerait dans ce labyrinthe, que l’on pourrait croire créé à dessein afin d’amener le visiteur là où le Maître aurait placé sa toute dernière œuvre. Elle trônerait sur un chevalet, palette et spatule à ses pieds.
Obnubilé par le tableau, on n’entendrait pas, arrivant à pieds nus et légers, cette splendide créature enveloppée dans un drap qui, en glissant sur le côté lorsque sa main viendrait caresser ses cheveux défaits, laisserait entrevoir un sein aussi blanc et ferme que celui sur la toile. On serait alors troublé, rougissant peut-être, et l’on s’entendrait dire, dans un souffle, « le maître est-il là ? »
Telle une muse de la renaissance, belle et évanescente, elle répondrait tout en tournant les talons, « Il est encore dans la chambre ».
(*) Simonetta Vespucci, muse des peintres et des poètes de la renaissance italienne