La dernière fois qu’il a raté la sortie d’autoroute (Alvise PInton)

 

Il roule un peu trop vite. Le brouillard nocturne s’ajoute à celui de ses yeux fatigués.

-Merde, c’était là soupire-t-il en se passant la main sur le visage.

Il décide de prendre la sortie suivante et de revenir par la route nationale. Il quitte l’autoroute et prend à droite une route large et rectiligne qui prend la bonne direction. Il ne la connaît pas n’étant jamais arrivé jusque là. La route sinue maintenant entre des forêts et des pâturages. Elle s’élève en pente douce, de plus en plus étroite. Il n’a pas encore remarqué qu’aucun véhicule ne le suit ni ne le précède. Pas une auto dans l’autre sens non plus.

Quand il en prend conscience, il a déjà roulé bien plus longtemps que prévu. Il s’arrête sur le bas côté. Il ne voit pas où mène cette route. Il ne la trouve pas sur sa vieille carte et son GPS ne la reconnaît pas. Il décide de continuer un bout, fait quelques kilomètres sur ce qui est maintenant un étroit chemin qui monte toujours. Comme le chemin devient piste cahotique, il s’arrête à nouveau et sort pour voir, mais il ne voit rien dans le brouillard qui s’épaissit. Il veut rebrousser chemin et fait demi-tour. Il est toujours sur cette piste qui continue de monter malgré le changement de direction. Balloté et craignant pour ses amortisseurs, il ralentit fortement. Le brouillard s’épaissit et rend la visibilité pratiquement nulle.

Il arrive devant un embranchement. Non, il ne l’avait pas remarqué à l’aller. Deux voies s’offrent à lui. Il s’arrête, descend de la voiture, mais rien. Malgré la poussière fraîche, pas une seule trace pour l’aider à retrouver cette fichue autoroute. Il se remet au volant, hésite, puis sort une pièce de monnaie pour jouer à pile ou face ou plutôt à gauche ou droite. La pièce quitte son pouce, s’envole gracieusement… mais ne retombe pas. Il pense l’avoir ratée, elle a dû tomber sous le siège. Il cherche rapidement. Rien.

-Merde alors, crie-t-il c’est quoi ce bordel ?

La gauche lui paraît plus logique pour retrouver l’autoroute qui doit pourtant bien se retrouver à sa gauche. Ennervé, il embraye sauvagement et s’engage dans le chemin qui s’avère rapidement être un cul-de-sac. Il fait difficilement demi-tour pour, cette fois, essayer à droite. Revenant sur ses pas, il constate que l’embranchement a disparu. Il se retrouve sur la même piste et devant un nouvel embranchement. Droite ? Gauche ?… deuxième pièce de monnaie. Droite cette fois. A nouveau cul-de-sac. Demi-tour. Embranchement. Gauche. Cul-de-sac. Demi-tour. Embranchement. Cul-de-sac. Demi-tour…

La voiture s’arrête enfin au milieu de la piste, réservoir à sec. Dans la nuit, la forêt environnante est muette, comme assommée par le brouillard. La piste continue à s’élever devant lui. Il prend sa veste quitte son véhicule et commence à marcher droit devant. Au fil de ses pas, il se sent plus détendu, plus léger. Autour de lui souffle un merveilleux vent de… liberté.

Alvise

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