En accroche-coeur (Alvise Pinton)

 

Et voilà ! Je suis enfin sec. Elle n’en finissait pas ce soir. Et que je te lave et que je te brosse et que je te change de place… je n’en pouvais plus ! Heureusement que le sèche-cheveux s’est mis en route ! Le résultat n’est pas mal, un peu redressé à la racine et assemblé par un joli diadème… et surtout depuis que je suis blond. Oh, ça n’a pas été sans mal, moi qui était châtain n’importe quoi, on m’a teinté, étiré, recouvert de produits divers et variés, rassemblé dans des papillotte en aluminium, mais enfin maintenant je suis blond et ça me plaît bien.

Donc, ce soir, on va bien se tenir, les copains et moi. Pas question de fourcher ou de se chamailler, car il vient ! Elle l’attend depuis plusieurs jours et ne sait pas si on va lui plaire avec notre nouvelle couleur. Alors on se tient bien, on ondule juste pour que ça gonfle un peu plus.

Attention ! Le voilà ! Je scrute sa réaction. Etonnement, sourire un peu crispé et puis… ouf ! Joie et félicitations. Ma racine se détend et avec mes copains, on sent que nous lui plaisons. Enfin, moi surtout. Je me suis mis en accroche-coeur avec quelques autres juste au-dessus de l’oeil. C’est là qu’on a le plus de chances d’avoir sa main ! Lui il l’embrasse, lui dit des mots doux. Elle ne dit rien, mais nos épis se dressent sous l’émotion. Et là, enfin, il lève sa main et, dans un geste d’une infinie tendresse, me lisse de la racine à la pointe, me carresse dans le sens du poil, me frisouille un peu en riant. Ce que c’est bon d’être ainsi regardé, admiré, complimenté !

La soirée avance gaiement et arrive enfin le moment que je préfère. Tout d’abord, je fais la rencontre de ses cheveux à lui. Ils sont magnifiques. Noirs « corbeau ». Un peu courts, mais cela leur donne du style. On se mêle, on se frotte, on échange quelques impressions. Eux aussi sont très propres et peignés, eux aussi sont très heureux de se tortiller avec nous. Des mains nous entourent, des doigts nous assemblent dans un joyeux échange de blabla et de baisers. Puis vient le moment magique : la Grande Promenade. Nous quittons sa tête pour descendre vers son cou, puis le torse où je croise quelques énergumènes très frisés, le ventre et enfin… mais là, je m’arrête. La bienséance, tout de même. D’ailleurs, les deux ont cessé de parler, alors…moi aussi je me tais et me laisse… friser !

Alvise

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