Bond, James Bond (Catherine Venturi Pinton)

 

Je prends racine sur le parvis de l’église, mon appareil photo en mains. Je ne distingue pas l’ombre d’un humain. Il faut dire que la température est en-dessous de zéro et que la neige qui recouvre les chemins et les prés n’est pas prête de fondre.

Soudain, je perçois des mouvements au loin et mon objectif rivé sur mon œil droit fixe un traîneau tiré par huit huskys qui glisse dans ma direction.

Quelques clichés pris et le marié se dresse devant moi. Smoking noir, nœud papillon, la grande classe. Il se présente : « Bond, James Bond ».

Je vais me réveiller ? Non, je ne dors pas. C’est lui, l’agent secret double zéro 7. Ses yeux bleus me glacent un peu plus. Il me pousse dans l’église et me somme de rester face à l’entrée, pour ne pas rater l’arrivée de la mariée.

« Et les invités ? ».

« Ils viendront plus tard. »

Une porte grince derrière moi, je m’attends à ce que Bond dégaine son arme, mais non, il sourit et j’entends le rire tonitruant du pasteur, trop heureux de m’avoir effrayée.

Une musique qui massacre la marche nuptiale emplit l’église. L’organiste serait-il le fantôme de l’opéra ? Au point où j’en suis plus rien ne peut m’étonner. Et là, je me trompe totalement, mais je ne le sais pas encore.

La mariée se tient dans l’encadrement de la porte, sa robe blanche se mêle parfaitement au décor extérieur.

Elle s’avance les mains jointes sur son bouquet de fleurs avec un sourire étincelant.

Je prends plusieurs clichés, jusqu’à son arrivée au côté du marié.

Les invités entrent. Chacun porte une rose à la main. Bientôt, l’église est remplie et le pasteur commence son office.

En photographiant les visages, je reconnais Tom Cruise, Julia Roberts, Renaud, Patrick Bruel. Que des vedettes américaines et françaises, je n’en reviens pas. Mon esprit se brouille vraiment quand j’aperçois au dernier rang Johnny Hallyday. Il est mort, c’est sûr, j’ai regardé la retransmission de son enterrement à la télévision.

Mais qui sont tous ces gens ?

Je n’ai pas le temps de m’interroger, les mariés échangent les alliances, il ne faut pas que je rate les prises de vue.

A la sortie de l’église, un invité me demande : « T’es le sosie de qui, toi ? ».

Abasourdie je réponds : « Du photographe… ».

Alain Delon part dans un grand éclat de rire et la fête se poursuit dans un restaurant où je ne suis pas conviée, mon travail s’arrêtant à la fin de la cérémonie.

J’ai gardé de ce mariage inhabituel un cliché raté : le marié embrasse la mariée qu’on ne distingue pas vraiment, puisque son visage est caché par les roses qu’elle reçoit sur le visage.

Il faut dire que tous les invités ont lancé leur rose sur la mariée pour lui souhaiter beaucoup de bonheur.

Je n’ai pas encore trouvé de qui la mariée était le sosie.

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