Mais quelle belle soirée ce fut ! Tellement belle, mais tellement dramatique.
Aujourd’hui encore, depuis mon enfer, qui est pour moi comme un paradis, je m’en souviens comme si c’était hier…
Je venais tout juste de rentrer de mon voyage en Transylvanie, où j’avais retrouvé ma famille.
Ils étaient tous présents, il n’en manquait aucun. Tous mes aïeux, sur plusieurs générations.
Ils m’ont offert une quantité invraisemblable de cadeaux ! Par exemple, un dentier tout neuf avec de magnifiques canines bien effilées, bien aiguisées. Un nombre impressionnant de bouteilles de sang neuf, que des grands millésimes et tous de noble naissance, plusieurs bouquets d’ail, qu’ils manipulaient avec précaution, sachant que moi-même je ne suis plus allergique à ce monocotylédone. Je peux même en consommer tout à ma guise et pour terroriser mes victimes, il me suffit de leur souffler contre.
Ce n’est qu’en fin de soirée qu’ils m’ont offert le cadeau le plus surprenant. Un costume de Louis quatorzième du nom, le roi soleil, avec en prime quelques gouttes de son sang sur le col, car décapité par erreur… ou alors il s’agit de Louis XVI… je ne sais plus !
Bref, tout cela pour vous dire que son costume était somptueux !
Si ce n’est peut-être, détail insignifiant mais révélateur du personnage, qu’une fois enfilé par le bas, comme une robe, impossible de sortir la tête ! Le col étant cousu…
Heureusement, deux petits orifices astucieusement pratiqués dans la bavette en dentelle servant de plastron, permettent de voir où l’on met les pieds.
C’est dans cette tenue que je me suis rendu à Bayreuth où je devais donner un concert de piano. Mon costume de gala me permettant ainsi d’observer sans être reconnu. Et je pouvais respirer la bouche ouverte sans incommoder le public.
Après plus de deux heures de concert sous les ovations d’un public conquis, oubliant qu’il ne pouvait voir mon visage, j’ai utilisé mon super pouvoir et j’ai alors improvisé une sonate qui a littéralement soulevé les spectateurs de leurs fauteuils. Debout, ils ont applaudit pendant près d’une demi-heure et ils ont alors cédé à leur étrange coutume, réservée aux grandes occasions, qui est de lancer sur la scène, en lieu et place des habituelles fleurs, des petits chocolats, en guise d’admiration !
J’ai ramassé et discrètement avalé sous mon costume, un petit chocolat qui, comme chacun sait, contient de la théobromine. Je ne le savais pas, mais cette substance, pour un vampire de mon espèce, a un effet encore plus dévastateur que l’ail !