Premier voyage
Si on me parle du vent du large, je distingue le paquebot haut comme un immeuble, amarré au port. Je me revois sur le pont avec l’humidité de la mer dans les cheveux et mes yeux éblouis par le soleil scintillant sur les flots.
Je me souviens des couloirs longeant les cabines, tous se ressemblaient. Et les escaliers, que je montais et redescendais, à la recherche de ma chambre.
Je me sentais perdue… Perdue au milieu de la mer, sans apercevoir ni collines, ni rivages.
Si on me parle de bivouac, je me retrouve sur la plage de cailloux à gonfler mon matelas pneumatique, avec ce bruit de goret qui faisait rire les copains.
Emmitouflée dans mon sac de couchage, mes yeux fixaient les étoiles et j’essayais de trouver le sommeil, mais l’air frais de la nuit m’en empêchait.
Au petit matin, on découvrait la mer chatouillant les pieds de ceux qui s’étaient installés trop près de l’eau.
Si on me parle d’amitié, je la revois dans le car à me demander mon prénom et à me proposer de m’asseoir à côté d’elle.
Nous sommes devenues inséparables. Je me souviens des sourires partagés près d’une fontaine au coucher du soleil, de notre rencontre avec deux jeunes marins et de notre anglais maladroit, des boutiques où nous cherchions ensemble les souvenirs à ramener dans nos bagages, et les longues discussions, le soir, dans la pénombre, et nos chuchotements.
Si on me parle de nouveautés, je retrouve le sol poussiéreux et sec des sites visités, ces colonnes immenses à peine verticales, cette chaleur écrasante contrastant avec l’air conditionné des musées.
Je contemple à nouveau le spectacle en plein air, avec ces longues tirades qui n’en finissaient plus.
Je retrouve le goût des brochettes d’agneau, des olives, du poisson, de la confiture d’oranges et de l’ouzo.
Je revois ces monastères où la femme n’est pas la bienvenue, où la porte reste close.
Je pense aussi à cette liberté d’être partie sans ma famille.
A ce trac des premiers jours, à l’envie de ne plus rentrer.
Catherine Venturi