Le bureau de Guillaume Tell (Mireille Miéville)

 

LE TROGNON DE POMME SECHE SUR UNE ASSIETTE EN ARGENT

Bien sûr, tout le monde se doute de quelle pomme il s’agit… Eh bien, il s’agit effectivement de celle-là ! Après l’avoir transpercée, je l’ai croquée pour montrer mon dédain à l’affreux Gessler. Un bon souvenir, je dois dire. Parce qu’entre nous soit dit, je n’étais pas certain de la percer, cette pomme…

L’ARBALETE ACCROCHEE AU MUR

Toujours ce moment inoubliable… Mais le temps fait gentiment son œuvre. Si vous la regardez de plus près, la rouille commence à la ronger, de même que les carreaux qui l’accompagnent. Surtout celui avec lequel j’ai fendu la tête de ce fichu bailli. Je suis un brin sentimental, je me suis toujours refusé à le nettoyer.

LA CARTE POSTALE

Je l’ai épinglée là il y a quelques années. Le fameux mât avec le chapeau de Gessler qu’il fallait embrasser. Quelques Schwytzois me l’ont envoyée pour me remercier de les avoir sortis des griffes du bailli. Chaque fois que je la regarde, j’ai les yeux qui piquent.

LE DOCUMENT ENCADRE

Ah, ce cadre… Il est toujours sous mes yeux pour m’empêcher d’oublier que la notoriété a ses revers. Vous comprenez, Walter, mon fils, ne s’est jamais remis de la peur qu’il a éprouvée ce jour-là. Il était encore tout jeunot, Walter. Mais après cet épisode, il n’a plus voulu sortir de sa chambre. Ma femme n’a pas supporté cette pression – imaginez que le gamin ne voulait plus manger que des pommes ! – et elle a fini par demander le divorce à l’Hôtel de Ville. Elle a tant et si bien fait qu’elle a obtenu le premier divorce du canton de Schwytz ! Alors je le laisse là, bien en évidence, à côté de la carte postale. Car, comme on le disait dans le temps, il n’y a qu’un pas du Capitole à la Roche Tarpéienne.

Mireille Miéville

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