A la recherche de Serge Brunetti (Libera Gallo)

 

A la recherche de Serge Brunetti

Ça m’arrive souvent, depuis que j’ai eu le Covid. Des blancs, des absences qu’on les appelle. Ça me stresse parfois. La première fois que cela m’est arrivé, c’était lorsque j’ai entendu mon collègue, dans le couloir, s’exclamer : « Hé ! Salut Serge ! ». Je me revois encore en train de me dire : « C’est qui Serge ? » et ma mémoire qui va chercher un lointain visage connu dans mes souvenirs, mais aux antipodes de Serge de la comptabilité : Serge Brunetti, appelé Brunette. Ahlalalaaa… Qu’est-ce que j’avais pas fait pour avoir son numéro à celui-là, mon Dieu. Je me demande si je l’ai encore. Ça rend fou mon chéri, mais j’ai la fâcheuse tendance de tout garder. Soudain, ça me prend comme une envie d’aller faire pipi et je plante mon amoureux dans la cuisine pour aller zieuter.

Le répertoire téléphonique, c’est un peu comme un journal intime. Bien que dans le mien s’y trouve aussi bien mon cordonnier que mon dentiste.

Alors… voyons…voyons…

Je saute directement à B pour trouver Brunette.

B

– Bernard : mon oncle. Quel bobet celui là. C’est sous « bobet » que j’aurais dû l’enregistrer. Aux repas de famille, il raconte toujours la même sempiternelle histoire. « Oui Tonton, on était là et la famille n’a pas augmenté, donc tout le monde s’en souvient. Tout le monde s’en fiche. »

– Béatrice : ma pharmacienne chouchou. Oui, aussi bizarre que cela puisse paraître j’ai sympathisé avec la pharmacienne du centre commercial. Super sympa. Pratique quand, en me levant assoiffée en pleine nuit, j’avais bu, par erreur, du savon liquide resté dans un fond de verre. (Bridget Jones quand tu me tiens)

– Begoña : ma petite voisine de 85 ans qui en parait 20 de moins. Un vrai petit cœur. On s’est adoptées toutes les deux. Chacune fait un transfert. Guérissant ainsi de vieilles blessures.

– Bruno : le pizzaiolo. Ce ne sont pas des pizzas qu’il m’a servies, lui, mais plutôt des salades.

– Belèn : Je ne l’ai plus contactée depuis que ma minette a 6 ans. Mais, je la garde car je l’ai nommée marraine. Marraine de Lilou et c’est important de ne pas l’effacer, par pure superstition.

Oui, parce que je suis comme ça : on ne plaisante pas avec le répertoire de son natel. Pour preuve, à chaque fois que j’ai changé le prénom du mec du moment en Chéri, Chouchou ou autre douceur à vous filer le diabète, le chéri en question s’est barré. Alors, pensez-vous, Régis B. restera ad eternam Régis B. La seule tentative risquée que je me suis permise est de rajouter un cœur à côté.

Bon, revenons à nos B. Plus personne ? Ok. Pas de Brunette à l’horizon. On s’en fiche, en vrai, parce qu’aujourd’hui il ne ressemble plus à rien. Je le sais car je l’ai googlisé. Mais, quand même, je suis curieuse de voir ce qui se trouve dans le répertoire de mon vieux gros Nokia 3210, qui fait d’ailleurs hurler de rire mon Régis B.

Je l’ouvre avec mon code pin unique et universel. Je rejoins le répertoire et, là, je souris. C’est le foutoir ! ça n’a ni queue ni tête. Je remarque qu’à l’époque, je donnais beaucoup de surnoms : Kiki la petite fée, David 1, David 2. Il y a même Marc le beau ou Alex la pétasse. Toujours pas de Serge Brunetti. Je suis quand même déçue. Pas pour l’homme, non, mais pour le trophée que Lili le vilain petit canard avait réussi à pécho.

Libera Gallo

Ce contenu a été publié dans 2022-2023 Les Jeux du Je. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.