Plus loin que le ciel (Catherine Venturi Pinton)

Depuis plusieurs jours, Isabelle court les magasins à la recherche des vêtements et accessoires indispensables pour partir à la mer. Elle le sait depuis peu, mais ses parents ont changé la destination des vacances. Fini le chalet à la montagne, les vaches et l’odeur du foin coupé, dimanche, ils embarquent tous à bord de l’Opel bleue et descente vers la Méditerranée.

Déjà, elle dispose au fond de sa valise le linge de bains, le bikini à pois blancs, le chapeau de paille, la crème solaire. On lui a dit que l’été, en Italie, c’était très chaud, qu’elle ne tiendrait pas longtemps sur la plage, qu’il n’y a pas d’ombre. Pull léger, jupe et short, sans oublier les sandalettes, elle dépose en dernier sa trousse de crayons et un livre de la Bibliothèque Verte.

A 14 ans, elle va enfin découvrir la mer. Son frère et sa sœur sont tout aussi impatients. Quand le coffre de la voiture se referme sur la dernière valise, ils savent qu’un long voyage les attend. Elle s’est munie de sa radio portable pour écouter les tubes de l’été qui passe à l’heure du hit parade. Elle ne veut pas manquer ça.

Le voyage se passe agréablement jusqu’au col. Les virages sont serrés et fréquents. Sa mère n’arrête pas de s’effrayer de toutes les voitures qui les croisent. La chaleur, malgré les fenêtres ouvertes, lui soulève le cœur. Et puis, on arrive en bas, de l’autre côté.

-On a traversé les Alpes!, dit son père.

-Respirez les enfants…ça sent déjà la mer!!!

-Tu ne crois pas, maman, que c’est encore un peu loin pour sentir la mer?, rétorque Pierre.

Les rires emplissent la voiture qui poursuit son trajet à travers d’immenses plaines herbeuses. Au loin on distingue des habitations.

Isabelle s’assoupit, elle en oublie sur ses genoux la radio qui grésille.

Des klaxons et la voix de son père la réveillent. Les voilà en pleine ville de Turin. Elle n’a jamais vu autant de voitures se presser aux carrefours, on dirait que tout le monde veut passer en même temps. Hors de la ville, la route continue plus calmement.

Le moment tant attendu arrive enfin. Elle croit d’abord que c’est le ciel, puis, quand l’œil fixe plus attentivement, elle distingue une immense étendue bleue parsemée de paillettes de soleil. L’odeur se prend dans les narines, une odeur de poisson et d’eau fraîche. La route se déroule le long de la mer, le regard ne la quitte pas. Fascination de tant d’eau, des bateaux qui oscillent aux amarres.

Arrivés à destination, les bagages sont défaits dans la précipitation d’aller se baigner.

La bouée sous le bras, on traverse la rue. On se retient de crier quand on marche sur les cailloux de la plage. Arrivés près d’un rocher, on y dépose le panier et les serviettes. On retire ses vêtements pour se retrouver en maillot de bains. Le cœur battant d’excitation, on s’approche de l’eau.

Isabelle en effleure la surface de ses doigts de pieds, c’est froid. En avançant, elle sent du sable entre les cailloux. Elle mouille un peu ses jambes, ses bras. A chaque étape, l’eau fraîche l’enserre. Elle s’accroupit puis s’élance bras en avant. L’eau la porte, elle flotte si légèrement. Quand une vaguelette effleure sa bouche, elle sent son goût salé. Quelques brasses au milieu de ce bercement infini la rendent paisible.

Une fois sortie de l’eau, elle s’étend sur son linge. Le soleil caresse les gouttelettes qui ruissellent. La chaleur bienfaisante l’enrobe, ses paupières mi-closes laissent à peine filtrer la lumière. Dans le ciel, elle entrevoit un petit avion qui tire une banderole publicitaire. Près d’elle, deux femmes parlent en italien. Dépaysement total. Ce soir, elle découvrira la pizza et goûtera même un verre de vin rouge. Il est si léger dans ce pays.

Catherine Venturi Pinton

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