Souvenir sucré (Catherine Venturi Pinton)

Je me vois enfant entrer dans le magasin du village. J’entends la clochette agitée par l’ouverture de la porte, j’entends les pas de la vendeuse descendre les escaliers en faisant claquer ses savates. Je suis devant le comptoir, mes yeux arrivent à la hauteur de la vitrine, derrière laquelle trônent les bonbons aux couleurs si alléchantes.

Le visage de la vendeuse se penche vers moi, son sourire dévoile ses dents de lapin et sa voix module la question rituelle: «  Que veux-tu? »me donnant ainsi le signal du choix.

Je prendrais tout, si je le pouvais. Le colle-aux-dents au goût de fraise qui me scotche les deux mâchoires quand je l’écrase. La coquille remplie d’une couche brillante que ma langue lèche jusqu’à en devenir verte. La sucette ovale, à plusieurs teintes, emballée de cellophane qui colle quand je l’enlève. Le goût de sirop quand j’aspire la sucette en salivant. Le papier que je garde  pour la remettre dedans afin de retrouver ce plaisir le lendemain.

Les Sugus, plus tendres, que ma langue tourne et retourne, dégageant chacun leur parfum particulier. Le tourbillon de réglisse que je mange peu à peu, car son goût m’écœure rapidement.

Je rentre à la maison avec toutes ces « bonbnich’ries », c’est comme ça que ma mère nomme mon trésor. Trésor que je cache aussitôt arrivée dans ma chambre, pour éviter la convoitise de ma sœur, qui ne vole pas, mais qui goûte! Je me souviens de ce bonbon caché dans une boîte d’allumettes vide, qui diminuait jour après jour, ma sœur le suçant, puis le remettant à sa place.

Aujourd’hui, je ne cours plus les tabacs, les épiceries, à la recherche de Tiki, de Malabar ou de Tic-Tac. Le temps laisse loin derrière moi cette petite fille qui va le long de la route, le cœur un peu serré de marcher seule, avec la crainte de ne pas arriver jusqu’au magasin qui semble si loin. Mais l’envie est trop forte pour renoncer.

Entendre la mastication d’ un chewing-gum m’agace, le bruit du papier cellophane que l’on froisse m’énerve, surtout au cinéma. Quant aux bonbons que l’on peut acheter au poids, ils me font grossir rien qu’en les regardant.

 

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