Couleurs de la vie (Nicole Lachat-Trezzini)

J’aimerais écrire des poèmes qui ressembleraient aux couleurs de la vie.

Il y aurait de tout et surtout beaucoup de silence. Du silence blanc, impalpable et infini pour éloigner les ennuis, les empêchements. Selon le sens de mes humeurs, je flatterais le gris, le charme désuet du gris des cailloux, je comprendrais le poids de sa solitude, il me raccommoderait lorsque je serais froissée face au brouillard, à la grisaille de la mélancolie, au chagrin. Alors il y aurait des touches d’espiègleries, entourée d’amies métaphores, je dessinerais des petites étoiles de bravoure pour obtenir le spectre du jaune gratifiant, de l’orange et du corail qui donnent l’élan et la vitalité. J’enroberais parfois mes mots de tendresse et de souplesse, la lecture en serait douce, comme cachée dans les poignées sensorielles du rose. J’éviterais les rimes embrassées ou embarrassées. Sur le fond de cette prose, il y aurait un voile transparent, le voile de l’imprévu, vaporeux, nuage rose saumon puéril autant que le vertige de l’inattendu qui peut jaillir comme le vert des contretemps ou le vert pertinent de la démesure. Il y aurait des rencontres, noires comme des myrtilles, c’est tellement bon les myrtilles, de belles rencontres comme des nuits prolongées dans la profondeur du noir qui mélange, atténue et unifie les représentations souvent trop chimériques. J’y ajouterais un zeste de monotonie, beige comme l’inertie, terne comme les attentes, poisseux comme les doutes. Les heures qui passent sans lendemain seraient brunes, brunes comme des châtaignes estampillées aux vertus d’un espoir. Réconfortantes comme le nounours en peluche qui ne me quittait pas quand je sentais que je ne voulais pas grandir mais qu’il était déjà trop tard. Celles qu’on ne voit pas passer, les heures lumineuses seraient naturellement bleues. Bleu roi, bleu limpide, bleu noyade. Quelquefois sous une pression de clairvoyance, mes phrases baptiseraient le mauve, le violet viendrait comme une petite fête au village. Et l’envie d’écrire survivrait comme un feu de cheminée, comme le rouge vif de la passion, comme le sang qui coule dans mes veines.

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